I’m not going to translate but a few small bits of this long passage from the Comte de Bussy-Rabutin’s Memoires (mine is the Mercure de France le Temps retrouve series edition, pgs 77-82). It recounts his journey-breaking overnight stay at the home of a friend’s relative:
It is so extraordinary this lodging, that people at court will believe it a painting made to please
…..A quarter of an hour later, we saw two peasants bring in on their necks a wooden cart covered with snow which they put on the andirons; a servant came next with a straw bale so wet that she wan’t able to light it – and that almost made us suffocate from the smoke. At last she was forced to resort to the straw mattresses of the beds, and all that managed after we had waited a long while, was to melt the snow which was on the wood, and to make a sort of pond which, spreading to our feet, pushed us back to the middle of the room. Truly we found it so funny, the Countess and I, that, looking at each other, we burst out laughing.
…The supper was as bad as the fire: the soups were nothing but boiled water; of all the meat that was served, there was nothing that was alive when we arrived; the bread was chilled and not cooked through, the wine was sour and murky, the linen was not only damp, it was wet, and the heat of the soups made the tablecloth smoke. This cloud managed to block out the bit of light that a small candle – sold at 21 per livre – gave out. Another unpleasantness of this meal was that the spoons (which really were silver) were the thickness of rags; for me, who am not fortunate, one that was half broken fell to my hands – which meant that in removing it from my mouth it caught on my upper lip and nearly tore it.
However, to get out of this accursed room where we had suffered so much, we found no difficulty; on the contrary, it was an advantage to us to have been accustomed to the fatigue, for we felt no difference in this long journey across the courtyard . The Countess having finally arrived at her room, where the fire was no better than in the hall, we readied ourselves to depart for ours; It is necessary to phrase it so – for it was another journey across the courtyard….. I will not describe her room; I will only say that, although it was extraordinarily dirty and dilapidated, it was a palace next to ours. Barrel were made in the place where they put us, and we slept in the cooper’s bed. When we had our heads level with the headboard, the covers only passed a little beyond our knees, so that in order to have our legs covered we were forced to bind the ends of a feather bed with the sheets and the covers. In truth we found ourselves in the morning more weary than if we had been all night riding post. It is not necessary to ask if we were in a hurry to rise.
ll est si extraordinaire ce gîte, que les gens de la cour le croiront une peinture faite à plaisir. Je ne la donne aussi qu’aux gens qui hantent la province et qui en ont vu souvent les originaux. Ce fut donc chez un de ses parents que nous arrivâmes à une heure de nuit, par la neige. Nous ne le vimes point, parce qu’il avait la fièvre quarte, et que le frisson le prenait, heureusement pour nous, comme nous arrivions. Notre bonheur eût été complet, si sa femme eût eu la fièvre aussi bien que lui : car nous n’en eussions pas fait plus mauvaise chère que nous la fîmes, et nous eus sions été plus en liberté. On nous reçut dans une salle plus basse que la cour, où je suis assuré que les murailles étaient humides durant la canicule : elle était décarrelée en beaucoup d’endroits, en sorte qu’on n’y pouvait aller qu’à courbettes. Pendant qu’on était allé abattre les arbres dont nous devions nous chauffer, on nous fit asseoir dans de grandes chaises qui n’étaient pas garnies, devant une cheminée où il n’y avait point de feu. Nous étions dans un froid et morne silence; car après de certains lieux communs dont on se sert en arrivant, nous ne savions plus que dire à cette’ femme ni elle à nous : elle n’était pas si sotte qu’elle ne fût honteuse de la ridicule réception qu’elle nous faisait, et nous étions trop mal reçus pour avoir pitié d’elle. Je mourais d’envie de m’aller chauffer au feu de la cui sine que j’entendais pétiller. Beauvoir qui avait autant froid que moi, et qui n’avait pas tant d’égard, sortit pour faire hâter, nous dit-il ceux qui nous devaient apporter du bois, et alla donner ses ordres devant le feu de la cuisine : un quart d’heure après, nous vimes deux paysans apporter sur leur cou une voiture de bois couvert de neige qu’ils mirent sur les chenets; une servante de peine vint ensuite avec une botte de paille si mouillée qu’elle ne put jamais l’allumer; et cela faillit à nous faire étouffer de fumée. Enfin elle fut contrainte de recourir aux paillasse des lits, et tout ce que cela put faire après que nous eûmes longtemps attendu, ce fut de faire fondre la neige qui était sur le bois, et de faire une espèce de mare qui, nous gagnant les pieds, nous fit reculer jusqu’au milieu de la chambre.
Véritablement nous trouvâmes cela si plaisant, la comtesse et moi, que, nous regardant l’un l’autre nous éclatâmes de rire.
Dans ce moment-là un de ses laquais me vint dire qu’un Augustin qui ne faisait que d’arriver de Moulins était à la porte de la chambre, et qu’il avait des lettres à me donner de la part du lieutenant-colonel de mon régiment. Je me levai pour lui aller parler; et comme je fus à la porte, je reconnus Beauvoir, qui, du collet de son grand manteau de deuil qu’il portait, avait fait un capuchon, et avait noué ses cheveux par derrière. Je ne fis pas semblant de rien ; et lui ayant dit d’appro cher de la cheminée, et que nous parlerions d’affaires après souper, je le présentai à la maîtresse de la maison. Elle fut bien éloignée de le reconnaître, puisque la comtesse même le méconnut. Aussitôt qu’il fut assis, il se mit à nous parler des accidents de la vie, qu’elle était sujette à mille incommodités, parmi lesquelles il comptait pour beaucoup celles du froid et du chaud excessifs; qu’il n’en trouvait pourtant pas de plus grandes que celles des méchants gîtes; que si quelque chose eût pu l’obliger à murmurer contre la Providence, c’eût été celle-là; mais qu’enfin il s’y était accoutumé c’eût été celle-là; mais qu’enfin il s’y était accoutumé par la grande résignation qu’il avait aux volontés de Dieu. La dame du logis écoutait cela comme un sermon, et lui disait que les religieux de son ordre les visitaient souvent, et leur faisaient bien l’honneur de les aimer. La comtesse trouvait plaisant que cet homme, qu’elle croyait un véritable Augustin, traitât au hasard une matière dont il était alors question et qu’elle avait tant à cœur : et moi j’avais toutes les peines du monde à m’empècher de rire de voir ces femmes si fort trom pées, et de songer que c’était un huguenot qui passait pour Augustin ; car Beauvoir était de la religion. Enfin on apporta le souper; et les dames ayant demandé Beauvoir, un laquais qui était instruit répondit qu’il se trouvait mal, et qu’il s’était mis au lit sans vouloir rien prendre.
Le souper fut aussi méchant que le feu : les potages n’étaient que de l’eau bouillie ; de toute la viande qu’on servit, il n’y avait rien qui ne fût vivant quand nous étions arrivés; le pain était frais et n’était pas cuit, le vin était aigre et trouble, le linge n’était pas seulement humide, il était mouillé, et la chaleur des potages fai sait fumer la nappe. Ce nuage acheva de nous ôter le peu de lumière que rendait une petite chandelle de 21 à la livre. Un autre désagrément de ce repas, c’était que les cuillers (qui véritablement étaient d’argent) étaient de l’épaisseur de l’oripeau; pour moi, qui ne suis pas heureux, il m’en tomba une entre les mains qui était à moitié rompue, de sorte qu’en la retirant de ma bouche elle s’accrocha à ma lèvre de dessus et faillit à me la déchirer. Il est vrai que pour nous con soler, la maîtresse du logis nous accablait de sottes excuses. La suite infinie de tant d’incommodités me parut abattre un peu la comtesse, si bien que pour la réjouir je lui dis à l’oreille qui était l’Augustin : l’éclat de rire la prit en le regardant, et le révérend père et moi, qui mourions d’envie de nous moquer, fûmes ravis de trouver un sujet de ne plus nous contraindre. Nous découvrîmes donc à la dame campagnarde la masca rade de Beauvoir et, sous le prétexte de cette plaisan terie, nous nous abandonnâmes aux éclats de rire du traitement qu’on nous faisait. La dame me parut en être fort aise, croyant que cela ferait diversion et nous ferait oublier son méchant feu et son maudit repas.
Afin qu’il n’y manquât rien pour qu’il fût de tous points détestable, il était encore fort long, et si l’on eut pu manger quelque chose, la digestion du premier ser vice eût été faite quand on apportait le second. Enfin nous en vîmes le bout, mais non pas sans impatience; car encore que nous eussions ri jusqu’aux larmes, c’était un rire à deux mains : nous ne laissions pas de mourir de froid, et nous pleurions de douleur aussi bien que de joie.
Au sortir de la table, je dis à la comtesse qu’il était tard et que je lui conseillais de se retirer pour partir à la pointe du jour, parce que j’avais ouï dire que la journée du lendemain était longue et difficile. La dame du logis, qui crut (comme la plupart des gens de pro vince) qu’elle ne témoignerait pas assez d’empresse ment si elle ne tâchait de nous faire partir fort tard, me démentit le plus obligeamment qu’elle put sur la journée du lendemain; qu’au reste madame sa cousine se trouverait mal de se coucher sitôt après le souper, et que la digestion n’était pas faite. « Oh ! pour la diges tion, madame, lui dis-je, vous n’en devez point être en peine, je vous en réponds; madame votre cousine n’a pas l’estomac si méchant que vous pensez. — Mais, monsieur, me dit-elle niaisement, vous nous ferez bien l’honneur de prendre un méchant déjeuner avant que de partir? — Eh, mon Dieu, madame, lui répondis-je, n’êtes-vous pas contente du souper que vous nous avez donné : vous voulez donc faire crever les gens? » Elle me répliqua que j’étais trop obligeant, et que puis que madame sa cousine se voulait retirer, il fallait savoir s’il y avait du feu dans sa chambre. La comtesse ne put se retenir de répondre que cela ne la devait pas empêcher d’y aller et qu’elle ne pouvait rien perdre au change. En effet, le bois n’était pas encore allumé dans la salle et nous n’avions d’autre apparence de feu que par une fort grande fumée qui commençait à nous étouffer. On se prépara donc à mener la comtesse dans sa chambre; mais nous fûmes bien surpris quand nous vîmes qu’il nous fallait traverser une grande cour par la neige haute de plus d’un pied. Cependant, pour sortir de cette maudite salle où nous avions tant souffert, nous ne trouvions rien de difficile; au contraire, ce nous fut un avantage d’avoir été accoutumés à la fatigue, car nous ne sentîmes point de différence dans ce long trajet de la cour. La comtesse étant enfin arrivée à sa chambre où le feu n’était pas meilleur que dans la salle, nous nous disposâmes à partir pour la nôtre : il en faut parler ainsi, car c’était un autre voyage au travers de la cour. La dame voulut nous y venir con duire, et nous la laissâmes faire de peur des compli ments. Aussitôt qu’elle en fut sortie, nous allâmes trouver la comtesse pour rire avec elle en liberté de tout ce qui nous était arrivé, et nous nous retirâmes. Je ne ferai point la description de sa chambre; je dirai seulement que, quoiqu’elle fut extraordinairement malpropre et délabrée, c’était un palais auprès de la nôtre. On faisait des tonneaux dans l’endroit où l’on nous mit, et nous couchâmes dans le lit du tonnelier. Quand nous avions la tête sur le chevet, la couverture ne passait qu’un peu nos genoux, de sorte que nous fûmes contraints de lier les bouts d’un lit de plumes que nous avions sur de la paille pour toutes choses, avec les draps et la couverture, afin d’avoir les jambes à couvert. A la vérité nous nous trouvâmes le matin plus las que si nous eussions toute la nuit couru la poste. Il ne faut pas demander si nous fûmes diligents à nous lever.