Un subject merveilleusement vain, divers, et ondoyant

From Montaigne’s Essai 1.1 Par Divers Moyens On Arrive à Pareille Fin (By different means one arrives at the same end).

Certes, c’est un subject merveilleusement vain, divers, et ondoyant, que l’homme. Il est malaisé d’y fonder jugement constant et uniforme

Certainly he is a subject marvellously vain, diverse, and undulating – man.  It is not easy to found a steady and unchanging judgment on him.

There’s nothing remarkable in the sentiment but the word choice is so beautifully Montaigne and so good an instance of one of Proust’s insights into style:

Il en est ainsi pour tous les grands écrivains, la beauté de leurs phrases est imprévisible, comme est celle d’une femme qu’on ne connaît pas encore; elle est création puisqu’elle s’applique à un objet extérieur auquel ils pensent—et non à soi—et qu’ils n’ont pas encore exprimé. Un auteur de mémoires d’aujourd’hui, voulant sans trop en avoir l’air, faire du Saint-Simon, pourra à la rigueur écrire la première ligne du portrait de Villars: «C’était un assez grand homme brun… avec une physionomie vive, ouverte, sortante», mais quel déterminisme pourra lui faire trouver la seconde ligne qui commence par: «et véritablement un peu folle». La vraie variété est dans cette plénitude d’éléments réels et inattendus, dans le rameau chargé de fleurs bleues qui s’élance, contre toute attente, de la haie printanière qui semblait déjà comble, tandis que l’imitation purement formelle de la variété (et on pourrait raisonner de même pour toutes les autres qualités du style) n’est que vide et uniformité, c’est-à-dire ce qui est le plus opposé à la variété, et ne peut chez les imitateurs en donner l’illusion et en rappeler le souvenir que pour celui qui ne l’a pas comprise chez les maîtres.


So it is with all great writers: the beauty of their sentences is as unforeseeable as is that of a woman whom we have never seen; it is creative, because it is applied to an external object which they have thought of—as opposed to thinking about themselves—and to which they have not yet given expression. An author of memoirs of our time, wishing to write without too obviously seeming to be writing like Saint-Simon, might at a pinch give us the first line of his portrait of Villars: “He was a rather tall man, dark . . . with an alert, open, expressive physiognomy,” but what law of determinism could bring him to the discovery of Saint-Simon’s next line, which begins with “and, to tell the truth, a trifle mad”? The true variety is in this abundance of real and unexpected elements, in the branch loaded with blue flowers which shoots up, against all reason, from the spring hedgerow that seemed already overcharged with blossoms, whereas the purely formal imitation of variety (and one might advance the same argument for all the other qualities of style) is but a barren uniformity, that is to say the very antithesis of variety, and cannot, in the work of imitators, give the illusion or recall the memory of it save to a reader who has not acquired the sense of it from the masters themselves.

Savoir s’il est permis d’écrire et de lire l’histoire, singuliérement celle de son temps

From the concluding sections of the Duc de Saint-Simon’s introductory essay, Savoir s’il est permis d’écrire et de lire l’histoire, singuliérement celle de son temps.  Which, very oddly to me, has not made it into either of the English translations.  But I am lazy so it will remain untranslated today.

Écrire l’histoire de son pays et de son temps, c’est repasser dans son esprit avec beaucoup de réflexion tout ce qu’on a vu, manié, ou su d’original, sans reproche, qui s’est passé sur le théâtre du monde, et les diverses machines, souvent les riens apparents, qui ont mû les ressorts des événements qui ont eu le plus de suite et qui en ont enfanté d’autres; c’est se montrer à soi-même pied à pied le néant du monde, de ses craintes, de ses désirs, de ses espérances, de ses disgrâces, de ses fortunes, de ses travaux; c’est se convaincre du rien de tout par la courte et rapide durée de toutes ces choses et de la vie des hommes; c’est se rappeler un vif souvenir que nul des heureux du monde ne l’a été, et que la félicité, ni même la tranquillité, ne peut se trouver ici-bas; c’est mettre en évidence que, s’il était possible que cette multitude de gens de qui on fait une nécessaire mention avait pu lire dans l’avenir le succès de leurs peines, de leurs sueurs, de leurs soins, de leurs intrigues, tous, à une douzaine près tout au plus, se seraient arrêtés tout court dès l’entrée de leur vie, et auraient abandonné leurs vues et leurs plus chères prétentions; et que de cette douzaine encore, leur mort, qui termine le bonheur qu’ils s’étaient proposé, n’a fait qu’augmenter leurs regrets par le redoublement de leurs attaches, et rend pour eux comme non avenu tout ce à quoi ils étaient parvenus. Si les livres de piété représentent cette morale, si capable de faire mépriser tout ce qui se passe ici-bas, d’une manière plus expresse et plus argumentée, il faut convenir que cette théorie, pour belle qu’elle puisse être, ne fait pas les mêmes impressions que les faits et les réflexions qui naissent de leur lecture. Ce fruit que l’auteur en tire le premier, se recueille aussi, par ses lecteurs; ils y joignent de plus l’instruction de l’histoire qu’ils ignoraient. Cette instruction forme ceux qui ont à vivre dans le commerce du monde, et plus encore s’ils sont portés en celui des affaires. Les exemples dont ils se sont remplis les conduisent et les préservent d’autant plus aisément, qu’ils vivent dans les mêmes lieux où ces choses se sont passées, et dans un temps encore trop proche pour que ce ne soient pas les mêmes moeurs, et le même genre de vie, de commerce et d’affaires. Ce sont des avis et des conseils qu’ils reçoivent de chaque coup de pinceau à l’égard des personnages, et de chaque événement par le récit des occasions et des mouvements qui l’ont produit; mais des avis et des conseils pris de la chose et des gens par eux-mêmes qui les lisent, et qu’ils reçoivent avec d’autant plus de facilité qu’ils sont tous nus, et n’ont ni la sécheresse, ni l’autorité, ni le dégoût, qui rebutent et qui font échouer si ordinairement les conseils et les avis de ceux qui se mêlent d’en vouloir donner. Je ne vois donc rien de plus utile que cette double et si agréable manière de s’instruire par la lecture de l’histoire de son temps et de son pays, ni conséquemment de plus permis que de l’écrire.

He has lived well who has remained unknown

From Ovid’s Tristia (3.4 lines 11-26).  The title is my own rendering, the (mediocre) translation below is the Loeb edition (pg. 116-117).

Thou seest how the light cork floats atop the wave when the heavy burden sinks with itself the woven nets. If I who warn thee now had once myself been warned of this, perchance I should now be in that city in which I ought to be. Whilst I lived for myself, whilst the light breeze wafted me on, this bark of mine sped through calm waters. Who falls on level ground—though this scarce happens—so falls that he can rise from the ground he has touched, but poor Elpenor who fell from the high roof met his king a crippled shade. Why was it that Daedalus in safety plied his wings while Icarus marks with his name the limitless waves? Doubtless because Icarus flew high, the other flew lower; for both had wings not their own. Let me tell thee, he who hides well his life, lives well; each man ought to remain within his proper position.

aspicis ut summa cortex levis innatet unda,
cum grave nexa simul retia mergat onus.
haec ego si monitor monitus prius ipse fuissem,
in qua debebam forsitan urbe forem.
dum tecum vixi, dum me levis aura ferebat,
haec mea per placidas cumba cucurrit aquas,
qui cadit in plano—vix hoc tamen evenit ipsum—
sic cadit, ut tacta surgere possit humo;
at miser Elpenor tecto delapsus ab alto
occurrit regi debilis umbra suo.
quid fuit, ut tutas agitaret Daedalus alas,
Icarus inmensas nomine signet aquas?
nempe quod hic alte, demissius ille volabat;
nam pennas ambo non habuere suas.
crede mihi, bene qui latuit bene vixit, et intra
fortunam debet quisque manere suam.

To be honest I only care for the one line here – bene qui latuit bene vixit.  It has the honor of being enough a favorite of Descartes – who lived its advice – to have been included on his first tombstone (but not in his later reburial at Saint-Germain-des-Prés).  But I found it through a lucky purchase several years back – it features on the bookplates of my Pleiade editions of Saint-Simon’s Memoires, alongside a tastefully appropriate instance of what I believe is termed a negative-space font.

IMG_4331

No convent, don’t speak to me of a convent! I want nothing to do with a convent

 

The Duc de Saint-Simon’s report of the death of Philippe, Duc d’Orleans in his Memoires.  Morbidly amusing in its own way, but more noteworthy because it feels the type of scene that influenced Proust – several of his characters, especially in the Guermantes family, react to deaths or the news of deaths as no more than personal inconveniences designed to keep them from attending parties etc.

At the departure of the king the crowd melted away from Saint-Cloud bit by bit and Monsieur [the Duc d’Orleans, the king’s brother] lay dying on a day-bed in his study….

Mdame [his wife], however, was in her apartment.  She had never had either great affection or great esteem for her husband, but she felt fully her loss and her fall, and she was shouting spiritedly in her grief: “No convent, don’t speak to me of a convent! I want nothing to do with a convent.”  The good princess had not lost her senses; she knew that, according to her marriage contract, she had to choose on becoming a widow – either a convent or residence at the Chateau de Montargis.

Au départ du roi la foule s’écoula de Saint-Cloud peu à peu, en sorte que Monsieur mourant, jeté sur un lit de repos dans son cabinet

Madame était cependant dans son cabinet qui n’avait jamais eu ni grande affection ni grande estime pour Monsieur, mais qui sentait sa perte et sa chute, et qui s’écriait dans sa douleur de toute sa force: « Point de couvent! qu’on ne me parle point de couvent! je ne veux point de couvent. » La bonne princesse n’avait pas perdu le jugement; elle savait que, par son contrat de mariage, elle devait opter, devenant veuve, un couvent, ou l’habitation du château de Montargis.

He was quite brutally sent off

From Memoires of the Duc de Saint-Simon, who always took the time to record some good banter.  We are early in 1695 here.  The edition on my phone is different from my paper copy – the Pleiade set edited by Yves Coirault – but this is somewhere around pg. 215 in volume 1 of that edition.

Harlay had gone to Maestricht to sound the Dutch; but these approaches only puffed up the enemy and drew them the further from peace in proportion as they judged it more necessary for us … They even had the impudence to insinuate to Harlay, whose thinness and paleness were extraordinary, that they took him as a sample of the reduced state in which France found itself.  He, unphased, answered pleasantly that if they would give him the time to send for his wife, they would be able to conceive of another opinion of the state of the realm.  In fact, she was extremely fat and very high in color.  He was quite brutally sent off …

Harlay était allé à Maestricht sonder les Hollandais; mais ces démarches ne firent qu’enorgueillir les ennemis et les éloigner de la paix à proportion qu’ils nous la jugeaient plus nécessaire …. Ils eurent même l’impudence de faire sentir à M. d’Harlay, dont la maigreur et la pâleur étaient extraordinaires, qu’ils le prenaient pour un échantillon de la réduction où se trouvait la France. Lui, sans se fâcher, répondit plaisamment que, s’ils voulaient lui donner le temps de faire venir sa femme, ils pourraient en concevoir une autre opinion de l’état du royaume. En effet, elle était extrêmement grosse et était très haute en couleur. Il fut assez brutalement congédié, et se hâta de regagner notre frontière.

The author has lied here

From the Duc de Saint-Simon’s Memoires:

The memoirs of M. de La Rouchefoucauld appeared, and my father was curious to see there the affairs of his time.

(There follows one of Saint-Simon’s typically convoluted matters of honor and intrigue, all aimed at making the elder Saint-Simon look a liar, etc.)

My father felt so vividly the brutality of this slander that he launched himself at a pen and put in the margin: “The author has lied here.”  Not content with what he had just done, he went to the bookseller, whom he had to track down first since the work was not sold publicly at its first appearance. He asked to see his copies – begged, promised, threatened and did it all so effectively that he got him to show them.  At once he took up a pen and added the same marginal note to all of them.  You can imagine the astonishment of the bookseller – and that he was not long in informing M. de La Rouchefoucauld of what had just happened to his copies.  You can believe as well that the latter was outraged at this.  This caused a great stir at the time …

 

Il parut des Mémoires de M. de La Rochefoucauld; mon père fut curieux d’y voir les affaires de son temps.

……

Mon père sentit si vivement l’atrocité de la calomnie, qu’il se jeta sur une plume et mit à la marge: L’auteur en a menti. Non content de ce qu’il venait de faire, il s’en alla chez le libraire qu’il découvrit, parce que cet ouvrage ne se débitait pas publiquement dans cette première nouveauté. Il voulut voir ses exemplaires, pria, promit, menaça et fit si bien qu’il se les fit montrer. Il prit aussitôt une plume et mit à tous la même note marginale. On peut juger de l’étonnement du libraire, et qu’il ne fut pas longtemps sans faire avertir M. de La Rochefoucauld de ce qui venait d’arriver à ses exemplaires. On peut croire aussi que ce dernier en fut outré. Cela fit grand bruit alors …

 

A laughing matter only at Versailles

From the Duc de Saint-Simon’s Memoires.

Mademoiselle, the great Mademoiselle, as she was called to distinguish her from the daughter of Monseiur, or, to call her by her name, Mlle de Montpensier, eldest daughter of Gaston and the only one from his first marriage, died in her palace in the Luxembourg on Sunday April 5 (1693)

….

Her funeral rites were observed in full and her body was watched over for several days … There occurred here a quite absurd incident.  In the middle of the day and with the whole ceremony underway, the urn, which was on a sideboard and contained the entrails, shattered with an incredible noise and a stench both sudden and intolerable.  At that very instant some of the ladies swooned in fright, others took flight.  The heralds and psalmodists were smothered at the doors along with the crowd who also fled.  The confusion was extreme.  Most people won their way to the garden and the surrounding avenues.  It was the entrails, poorly embalmed, which through their fermentation had caused this crash.  Everything was perfumed and set back up, and this fright became a common subject for jokes.  These entrails were carried to the Celestins, the heart to Val-de-Grace, and the body brought to Saint-Denis ….

 

Mademoiselle, la grande Mademoiselle, qu’on appelait [ainsi] pour la distinguer de la fille de Monsieur, ou, pour l’appeler par son nom, Mlle de Montpensier, fille aînée de Gaston, et seule de son premier mariage, mourut en son palais de Luxembourg, le dimanche 5 avril,

….

Sa pompe funèbre se fit en entier, et son corps fut gardé plusieurs jours ….. Il y arriva une aventure fort ridicule. Au milieu de la journée et toute la cérémonie présente, l’urne, qui était sur une crédence et qui contenait les entrailles, se fracassa avec un bruit épouvantable et une puanteur subite et intolérable. À l’instant voilà les dames les unes pâmées d’effroi, les autres en fuite. Les hérauts d’armes, les feuillants qui psalmodiaient, s’étouffaient aux portes avec la foule qui gagnait au pied. La confusion fut extrême. La plupart gagnèrent le jardin et les cours. C’étaient les entrailles mal embaumées qui, par leur fermentation, avaient causé ce fracas. Tout fut parfumé et rétabli, et cette frayeur servit de risée. Ces entrailles furent portées aux Célestins, le coeur au Val-de-Grâce, et le corps conduit à Saint-Denis…