Savoir s’il est permis d’écrire et de lire l’histoire, singuliérement celle de son temps

From the concluding sections of the Duc de Saint-Simon’s introductory essay, Savoir s’il est permis d’écrire et de lire l’histoire, singuliérement celle de son temps.  Which, very oddly to me, has not made it into either of the English translations.  But I am lazy so it will remain untranslated today.

Écrire l’histoire de son pays et de son temps, c’est repasser dans son esprit avec beaucoup de réflexion tout ce qu’on a vu, manié, ou su d’original, sans reproche, qui s’est passé sur le théâtre du monde, et les diverses machines, souvent les riens apparents, qui ont mû les ressorts des événements qui ont eu le plus de suite et qui en ont enfanté d’autres; c’est se montrer à soi-même pied à pied le néant du monde, de ses craintes, de ses désirs, de ses espérances, de ses disgrâces, de ses fortunes, de ses travaux; c’est se convaincre du rien de tout par la courte et rapide durée de toutes ces choses et de la vie des hommes; c’est se rappeler un vif souvenir que nul des heureux du monde ne l’a été, et que la félicité, ni même la tranquillité, ne peut se trouver ici-bas; c’est mettre en évidence que, s’il était possible que cette multitude de gens de qui on fait une nécessaire mention avait pu lire dans l’avenir le succès de leurs peines, de leurs sueurs, de leurs soins, de leurs intrigues, tous, à une douzaine près tout au plus, se seraient arrêtés tout court dès l’entrée de leur vie, et auraient abandonné leurs vues et leurs plus chères prétentions; et que de cette douzaine encore, leur mort, qui termine le bonheur qu’ils s’étaient proposé, n’a fait qu’augmenter leurs regrets par le redoublement de leurs attaches, et rend pour eux comme non avenu tout ce à quoi ils étaient parvenus. Si les livres de piété représentent cette morale, si capable de faire mépriser tout ce qui se passe ici-bas, d’une manière plus expresse et plus argumentée, il faut convenir que cette théorie, pour belle qu’elle puisse être, ne fait pas les mêmes impressions que les faits et les réflexions qui naissent de leur lecture. Ce fruit que l’auteur en tire le premier, se recueille aussi, par ses lecteurs; ils y joignent de plus l’instruction de l’histoire qu’ils ignoraient. Cette instruction forme ceux qui ont à vivre dans le commerce du monde, et plus encore s’ils sont portés en celui des affaires. Les exemples dont ils se sont remplis les conduisent et les préservent d’autant plus aisément, qu’ils vivent dans les mêmes lieux où ces choses se sont passées, et dans un temps encore trop proche pour que ce ne soient pas les mêmes moeurs, et le même genre de vie, de commerce et d’affaires. Ce sont des avis et des conseils qu’ils reçoivent de chaque coup de pinceau à l’égard des personnages, et de chaque événement par le récit des occasions et des mouvements qui l’ont produit; mais des avis et des conseils pris de la chose et des gens par eux-mêmes qui les lisent, et qu’ils reçoivent avec d’autant plus de facilité qu’ils sont tous nus, et n’ont ni la sécheresse, ni l’autorité, ni le dégoût, qui rebutent et qui font échouer si ordinairement les conseils et les avis de ceux qui se mêlent d’en vouloir donner. Je ne vois donc rien de plus utile que cette double et si agréable manière de s’instruire par la lecture de l’histoire de son temps et de son pays, ni conséquemment de plus permis que de l’écrire.

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