From Marcel Schwob’s Petronius: Novelist in his Imaginary Lives (the translation is not mine and is not the best but I’m not typing this up). I will always find Paolo Uccello the most ambitious and richest of Schwob’s lives but I like Petronius, love Don Quixote, and appreciate this recasting of the former through the latter.
When [Petronius] arrived at the age of adolescence he did up his beard in an ornate sheath and began to look about him. Then a slave named Syrus, who had served in the arenas, showed him some things he had never seen before. Not of noble race, Petronius was a swarthy little squint-eyed fellow with the hands of an artisan and cultivated tastes. It pleased him to fashion words together and to write them down, though they resembled nothing the old poets had imagined, for they strove only to imitate the things Petronius found around him. Later he developed a grievous ambition for making verses.
Through Syrus he came to know barbarian gladiators, braggarts of the street corners, shifty-looking men of the market-places, curly-headed boys on whom the senators leaned during their promenades, curbstone orators, pimps with their upstart girls, fruit vendors, tavern landlords, shabby poets, pilfering servants, unauthorized priestesses and vagabond soldiers. With his squint eyes he saw them all, catching the precise manner of them and their ways. Syrus took him down to see the slaves in their baths, to the dens of the prostitutes and through those underground cells where the circus gladiators practiced with wooden swords. Sitting by the tombs beyond the city gates, he heard tales of men who change their skins – tales and stories passed from mouth to mouth by blacks and Syrians and innkeepers and guardians who carried out the crucifixions. Absorbed in these vivid contrasts which his free life allowed him to examine, he began, when about thirty, to write the story of those errant slaves and debauchees he knew. In the luxurious society of the city he recognized their morals, though transformed, and he found their ideas and their language among the polite conversations at high ceremonies. Alone, bent over his parchment at a table of odorous cedar, with the sharp point of his calm detachment he pictured the adventures of an ignored people. Under the painted ebony wainscoting, by the light of his tall windows, he imagined smoky torch lit taverns, absurd nocturnal struggles, the twisted candelabras of carved wood, the locks suddenly forced by the axes of police slaves, and the harsh commands of slave drivers shrill above the shuffling rush of miserable people clad in torn curtains and filthy rags.
When his six books were finished Petronius read them to Syrus. And the slave is said to have howled his laughter aloud and clapped his hands for glee. At that moment they conceived the notion of putting those adventures into practice. Tacitus has falsely written that Petronius was present at Nero’s court, telling how his death was brought about by the jealousy of Tigillinus. But Petronius did not vanish murmuring lewd little verses as he stepped delicately into a marble bath. He ran away with Syrus to end his life on the roads.
Ainsi Pétrone vécut mollement, pensant que l’air même qu’il aspirait fût parfumé pour son usage. Quand il fut parvenu à l’adolescence, après avoir enfermé sa première barbe dans un coffret orné, il commença de regarder autour de lui. Un esclave du nom de Syrus, qui avait servi dans l’arène, lui montra les choses inconnues. Pétrone était petit, noir, et louchait d’un œil. Il n’était point de race noble. Il avait des mains d’artisan et un esprit cultivé. De là vint qu’il prit plaisir à façonner les paroles et à les inscrire. Elles ne ressemblèrent à rien de ce que les poètes anciens avaient imaginé. Car elles s’efforçaient d’imiter tout ce qui entourait Pétrone. Et ce ne fut que plus tard qu’il eut la fâcheuse ambition de composer des vers.
Il connut donc des gladiateurs barbares et des hâbleurs de carrefour, des hommes aux regards obliques qui semblent épier les légumes et décrochent les pièces de viande, des enfants frisés que promenaient des sénateurs, de vieux babillards qui discouraient des affaires de la cité aux coins des rues, des valets lascifs et des filles parvenues, des marchandes de fruits et des patrons d’auberges, des poètes minables et des servantes friponnes, des prêtresses interlopes et des soldats errants. Il tenait sur eux son œil louche et saisissait exactement leurs manières et leurs intrigues. Syrus le conduisit dans les bains d’esclaves, les cellules de prostituées et les réduits souterrains où les figurants de cirque s’exerçaient avec leurs épées de bois. Aux portes de la ville, entre les tombes, il lui raconta les histoires des hommes qui changent de peau, que les noirs, les Syriens, les taverniers et les soldats gardiens des croix de supplice se repassaient de bouche en bouche.
Vers la trentième année, Pétrone, avide de cette liberté diverse, commença d’écrire l’histoire d’esclaves errants et débauchés. Il reconnut leurs mœurs parmi les transformations du luxe; il reconnut leurs idées et leur langage parmi les conversations polies des festins. Seul, devant son parchemin, appuyé sur une table odorante en bois de cèdre, il dessina à la pointe de son calame les aventures d’une populace ignorée. A la lumière de ses hautes fenêtres, sous les peintures des lambris, il s’imagina les torches fumeuses des hôtelleries, et de ridicules combats nocturnes, des moulinets de candélabres de bois, des serrures forcées à coups de hache par des esclaves de justice, des sangles grasses parcourues de punaises, et des objurgations de procurateurs d’ilot au milieu d’attroupements de pauvres gens vêtus de rideaux déchirés et de torchons sales.
On dit que lorsqu’il eut achevé les seize livres de son invention, il fit venir Syrus pour les lui lire, et que l’esclave riait et criait à haute voix en frappant dans ses mains. Dans ce moment, ils formèrent le projet de mettre à exécution les aventures composées par Pétrone. Tacite rapporte faussement qu’il fut arbitre des élégances à la cour de Néron, et que Tigellin, jaloux, lui fit envoyer l’ordre de mort. Pétrone ne s’évanouit pas délicatement dans une baignoire de marbre, en murmurant de, petits vers lascifs. Il s’enfuit avec Syrus et termina sa vie en parcourant les routes.